L'alteration des roches
Introduction :
L’alteration des roches est la séparation des éléments d'une roche par l'action de phénomènes physiques et chimiques. L'altération physique se traduit par la fragmentation de la roche (sans modification de sa constitution). L'altération chimique décompose la roche en modifiant lentement la nature des minéraux constitutifs. Ces deux processus ont toujours lieu simultanément et produisent des débris qui sont ensuite transportés mécaniquement ou en solution, par l'érosion. La désagrégation des roches contribue également à la constitution du sol;Ce qui nous interesse c’est l’alteration chimiques des roches.
Definition:
L'altération chimique modifie la composition minérale initiale de la roche. Elle se fait de nombreuses façons : par dissolution des minéraux par l'eau et les acides faibles du sol ; par oxydation ; réaction chimique avec le dioxyde de carbone ; et par hydratation (combinaison de l'eau et de minéraux produisant une réaction chimique). Les plantes, telles que les lichens, décomposent également certaines roches en extrayant des substances nutritives solubles et du fer des minéraux. La géomorphologie, étude des formes du relief, explique comment la désagrégation, l'érosion et autres processus ont donné naissance aux différents paysages.
ROLE DE L'EAU DANS L'ALTERATION :
Une des caractéristique les plus importante de la surface de
L'eau est un trés bon solvant car les extrémités positives ou négatives de la molécule peuvent s'attacher aux ions négatifs ou positifs.
Le groupement des molécules d'eau en tétraèdre explique la forte tension superficielle et la capillarité, et la large plage de température selon laquelle l'eau est à l'état liquide.
L'abaissement de température diminue l'agitation thermique des molécules et favorise les liaisons hydrogène: les molécules se groupent et la viscosité de l'eau augmente.
L'abaissement de température produit également l'augmentation de la densité, jusqu'à
Les molécules d'eau s'ionisent en H+ et OH-.. La concentration des H+ définit le pH. A la température ordinaire, il y a seulement 10-7 moles par litre d'ions hydrogène (et autant de OH-) dans l'eau pure: le pH est neutre (pH=7). L'apport d'ions hydrogène diminue le pH; cette acidité est produite notamment par le CO2 et les acides humiques du sol.
H2 O + CO2 -----> H2 CO 3 ------> H+ + HCO3 -
Les ions hydrogène sont responsables de la destruction des réseaux silicatés: ils déplacent les cations métalliques qui se recombinent avec les OH- (hydrolyse).
Figure 1: Structure et arrangement des molécules d'eau.
LES REACTIONS CHIMIQUES DE L'ALTERATION : *Exemple d'un profil d'altération :
L'altération d'une grano-diorite à été étudiée aux Etats Unis (Boulder, Colorado) sur une épaisseur de
Figure 2: profil d'altération sur une roche silicatée.
Principales réactions d'altération :
L'altération chimique des roches se fait en présence d'eau; elle a lieu essentiellement en climat humide. Les réactions sont des hydrolyses, accessoirement des oxydations, des hydratations, des décarbonatations pour les roches calcaires. Les éléments solubles sont lessivés en partie, parfois en totalité sous les climats trés agressifs. Les parties insolubles restent sur place telles quelles ou se recombinent avec les ions disponibles (phénomène d'héritage). Des composés intermédiaires mal cristallisés (gels), des tronçons de chaînes silicatées et des ions en solution se recombinent en minéraux de néoformation, principalement des argiles. Les organismes peuvent intervenir à tous les stades de ce processus. Ils fournissent en particulier des matériaux minéraux ou organiques.
a) Dissolution :Ce processus physique simple implique les roches salines: sel gemme, potasse et gypse.
b) Oxydation et réduction :Les oxydations intéressent surtout le fer qui passe de l'état fereux à l'état ferrique.
olivine + oxygène ---------> oxyde ferrique + silice
Fe2 Si O 4 + 1/2 O 2 --------> Fe2 O 3 + Si O 2
Les réductions sont plus rares; elles interviennent dans les milieux hydromorphes et produisent en particulier le passage du fer ferrique au fer ferreux soluble (cas des sols de type gley)
c) Hydratation : C'est une incorporation de molécules d'eau à certains minéraux peu hydratés contenus dans la roche comme les oxydes de fer; elle produit un gonflement du minéral et donc favorise la destruction de la roche.
d) Décarbonatation :Elle produit la solubilisation des calcaires et des dolomies généralement sous l'action du CO2 dissous dans l'eau:
Ca CO 3 + CO 2 + H 2 O -------> Ca (CO 3 H) 2 soluble
e) Hydrolyse :Les hydrolyses, c'est à dire la destruction des minéraux par l'eau, sont les principales réactions d'altération.L'hydrolyse est totale lorsque le minéral est détruit en plus petits composés possibles ( hydroxydes, ions).Cas d'un feldspath sodique, l'albite:
Na Al Si 3 O 8 + 8 H 2 O -------> Al (OH) 3 + 3 H 4 SiO 4 + Na+ OH –
albite + eau ------------------------> gibbsite + acide silicique + ions précipité +solution de lessivage
Minéraux formés :
Les nouveaux minéraux formés sont en général des phyllosilicates. Ces minéraux proviennent soit de la transformation d'un phyllosilicate pré-existant, soit d'une néoformation à partir d'un silicate non en feuillet dont la structure est complètement détruite. Les réactions ont lieu surtout dans le sol.
Les phyllosilicates formés sont des minéraux argileux de deux types:
* type 1/1: le feuillet comporte 1 couche à tétraèdres SiO 4 et 1 couche à octaèdres AlO6
*type 2/1: le feuillet comporte 3 couches, à savoir 1 couche octaèdrique comprise entre 2 couches tétraèdriques.
Lorsque les nouveaux minéraux argileux sont formés à partir des micas (muscovites, biotites et chlorites), le réseau cristallin est plus ou moins conservé, on parle de transformation. Lorsqu'ils sont formés à partir de silicates qui ne sont pas en feuillets (feldspaths, amphiboles, olivine...), le réseau cristallin du minéral d'origine est complètement détruit, on parle de néoformation.
* Muscovite :Elle est assez stable. Sa fragmentation donne des petites paillettes de même composition chimique appelées séricite. Son altération chimique se fait par perte progressive d'ion K+; elle donne de l'illite, puis des argiles de 2 types selon les conditions de drainage du milieu: la kaolinite en milieu lessivé, les smectites en milieu confiné. Trés schématiquement:
Corrélativement, la distance inter-réticulaire, qui sépare les feuillets d'argiles, change et passe de 10 A° (muscovite, illite) à 14 A° (smectite) ou à 7 A° (kaolinite). Les ions K+ assurent la cohésion des feuillets argileux. L'altération se manifeste par l'exfoliation des feuillets, bien visibles au microscope électronique, qui produit des particules de plus petites taille, qelques 0,1 microns, et augmente la surface de contact du minéral et la capacité d'échange des cations avec les solutions du milieu.
* Feldspaths :Bien qu'il s'agissent de tectosilicates, leur altération est comparable à celle de la muscovite.
* Biotite :Sa résistance à l'altération dépend de la teneur de Fe++ dans le cristal; son état d'altération est exprimée par la quantité de K+ extraite du réseau. La biotite peu oxydée (surtout à Fe++) est trés altérable et se comportent comme les autres minéraux ferro-magnésiens (pyroxènes...); elle donne en particulier des vermiculites et smectites et de l'oxyde ferrique qui précipite. La biotite plus oxydée (Fe+++ surtout) est plus stable.
* Autres ferromagnésiens :Leur altération est semblable à celle de la biotite peu oxydée; ils donnent des vermiculites, des smectites, des chlorites ou des argiles magnésiennes si le milieu est trés confiné.
La complexolyse :
C'est une variante de l'hydrolyse en présence de matière organique. Elle se produit sous climat froid (boréal) et tempéré. Les composés organiques de l'humus extraient les cations métalliques des réseaux cristallins. Les minéraux sont détruits; les cations sont fixés sur les composés organiques en donnant des complexes organo-métalliques. Les cations se liant aux grosses molécules organiques de l'humus sont surtout les ions Al 3+, Fe 2+ et Fe 3+.
FACTEURS CONTROLANT L'ALTERATION :
1/ Facteurs propres au minéral :
*Résistance d'un minéral à l'altération :L'énergie de liaison varie selon le type d'ions concernés. Le K+ est faiblement lié à l'oxygène, le Fe++ et le Mg++ le sont moyennement; le Si 4+ établit au contraire des liaisons trés fortes. On comprend ainsi que le quartz, tectosilicate ne comportant que des liaisons fortes entre le silicium et l'oxygène, résiste mieux à l'altération; l'olivine en revanche, contenant des cations moins liés (Fe++ et Mg++) a un réseau cristallin plus fragile ;GOLDICH (1938) a établi l'ordre de résistance des minéraux à l'altération:
Labile olivine ...................................................................plagioclases Ca
augite .............................................plagioclases Ca-Na
hornblende ................plagioclases Na-Ca
biotite .........plagioclases Na
feldspaths K
muscovite
Résistant ............................................quartz
On remarque que cet ordre évoque les suites de BOWEN: ce n'est pas un hasard. Dans un magma, l'olivine cristallise à haute température, elle est donc particulièrement instable dans les conditions de surface; elle est la plus labile. Le quartz, en revanche est formé à une température moins élevée, il est plus stable.
Le type de réseau cristallin intervient dans la stabilité du minéral en surface. Les phyllosilicates, comme la muscovite, résistent mieux à l'altération.
Des travaux ont permis d'évaluer la vitesse d'hydrolyse d'un minéral silicaté en mesurant la vitesse de libération de la silice issue du minéral dans le milieu . Cette vitesse est fonction de la surface de contact du minéral, du pH et d'une constante de vitesse de libération "k" propre au minéral qui est mesurée en mole/m2/an; voici quelques valeurs de k:
anorthite : 1,76 10-1 Feldspath K : 5,26 10-5
néphéline : 8,83 10-2 olivine : 3,78 10-5
Enstatite : 3,15 10-3 muscovite : 8,09 10-6
albite : 3,75 10-4 quartz : 1,29 10-7
On voit qu'on passe d'un facteur 10-1 (anorthite) à un facteur 10-7 (quartz). On retrouve plus ou moins l'ordre établi par GOLDICH.
2/Facteurs externes contrôlant l'hydrolyse :
Ce sont les facteurs physico-chimiques qui participent notamment à la définition du climat:
* la concentration en SiO2 exprimée en concentration d'acide silicique H 4 SiO4
* la concentration en cations basiques (Na+, Ca++, K+),
* le pH déterminé en particulier par les acides organiques,
* la température dont l'augmentation régit la vitesse des réactions et la possibilité de dissolution des ions dans l'eau,
* la vitesse de circulation de l'eau dans le milieu (drainage) exprimant les conditions de confinement ou de lessivage.
Figure 5: champ de stabilité de deux minéraux en fonction de la concentration de la solution en ions et en acide silicique.
On peut étudier expérimentalement les champs de stabilité de quelques minéraux , dans les conditions de surface (t =
Solubilité du Fer :
La solubilité du Fe dépend de la stabilité du système Fe2+ / Fe3+. De plus, l'hydroxyde ferrique, hydrolysat insoluble, peut être solubilisé par ionisation en pH acide.
Figure 6 : stabilité du système Fe2+ / Fe3+ en fonction de l'Eh et du pH pour une solution diluée à température de
On voit que dans les conditions naturelles, l'état d'oxydation du fer dépend du pH: le fer ferreux est stable à pH acide, le fer ferrique à pH basique. Dans les milieux à l'abris de l'air (sol hydromorphe, fond de marécage...) le fer est à l'état ferreux ; il passe à l'état ferrique au cours de l'altération à l'air (sols latéritiques). Il est lessivé en partie par l'eau de pluie légèrement acide et transporté par les rivières. Arrivé dans l'eau de mer à pH basique, sa solubilité diminue fortement (voir Figure 1-6) et il précipite.
Figure 7 : solubilité du Fe3+ en fonction du pH de la solution.
Solubilité de la silice :Elle est principalement sous forme d'acide silicique H 4 SiO 4; l'eau de rivière en contient environ 13 mg/l. Le pH a peu d'action sur sa solubilité dans les conditions normales (la solubilité de la silice augmente au delà de pH = 9 ). Il y a en fait relativement peu de silice transportée car les ions Al 3+ réagissent sur elle pour donner des amas colloïdaux silico-alumineux peu mobiles. La figure 7 montre la solubilité du quartz en fonction du pH et de la température. L'axe des ordonnées indique la quantité de silice perdue par le cristal et passant en solution. Cette quantité est grossièrement multipliée par 10 entre 0 et
Figure 8: solubilité de la silice en fonction du pH et de la température.
ROLE DES ORGANISMES DANS L'ALTERATION :
1/Principaux effets des êtres vivants sur les roches :
Les études ont porté notamment sur l'effet des organismes adhérant à une roche: algues vertes, diatomées, lichens, champignons, bactéries. Ceux-ci adhèrent à la surface grâce en particulier à des organes appropriés qui pénètrent dans les fissures et exfolient les minéraux lamellaires (hyphes de lichen exfoliant la biotite). Ils produisent une désagrégation et une microdivision de la surface de la roche ainsi qu'une attaque chimique par sécrétion d'acide oxalique produit par les lichens comme par les racines des végétaux supérieurs. Les cations des minéraux sont extraits par complexolyse. Sous les lichens adhérant à la roche est mise en évidence la formation de composés mal cristallisés à base de Si, Al et Fe, de nombreux composés à base de Ca et des gels organo-minéraux , résultats de la complexolyse et précurseurs du sol.
2/Rôle de la matière organique :
Elle intervient dans la complexolyse.
BILAN DE L'ALTERATION :
La destruction des édifices cristallins silicatés produit des fragments de chaine silicatées qui, au moins dans un premier temps, restent sur place, et des ions solubles qui sont emportés par l'eau ou lessivés. L'importance respective de l'héritage, les transformations et les néo-formations est étroitement liée à l'intensité de l'altération et au lessivage. Pour une altération et un lessivage faible , les argiles 2/1 de type illite sont en majeure partie héritées. Avec l'augmentation de l'intensité de l'altération, ce sont des smectites ou de la kaolinite, plus pauvres en silice, qui sont synthétisées en fonction de l'importance du lessivage et des ions disponibles (sols méditerranéens, podzols). Pour un fort lessivage, les cations solubles sont entraînés et les phyllosilicates ne peuvent plus se former: il reste sur place le quartz et les oxydes de fer et d'aluminium (sols latéritiques).