CH9: Les argiles

Géologie des argiles Chapitre 9 Argile et industrie

Chapitre 9 – Argiles et industries

Introduction

L’exploitation des minéraux remonte à plusieurs milliers d’années. Les argiles pour fabriquer les briques, par exemple, sont utilisées depuis au-moins 5000 ans et sont toujours utilisées actuellement, même si les techniques de production ont changé. Les minéraux industriels sont par définition des matériaux géologiques, exploités via des mines (au sens large) et qui ont une valeur commerciale. Ils peuvent être utilisés seuls ou comme additifs. Le tableau 9.1 donne à titre indicatif le prix (en livre sterling, cours 1995) à la tonne. Les argiles sont fréquemment utilisées comme minéraux industriels (e.g., kaolin, bentonite, vermiculite, argiles réfractaires). Le tableau 9.2 compare les propriétés des grandes familles argileuses.

Table 9.1 – Prix des minéraux industriels – Manning, 1995

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Table 9.2 – Propriétés des argiles industrielles – Manning, 1995.

1. Kaolin et bentonites

Kaolin et des bentonites constituent la famille principale parmi les argiles industrielles. Le tableau 9.3 résume leurs applications principales.

- Le kaolin ou china clay est une kaolinite presque pure. Chimiquement inerte, elle est utilisée pour donner de la blancheur et de l’éclat dans les céramiques, les peintures et les papiers de haute qualité.

Table 9.3 –Principales utilisations des kaolins, «ballclay» et bentonites –Manning, 1995Kaolins («china clay»)-enduits pour papier-liants dans les peintures, plastiques, produits pharmaceutiques-composants des céramiquesBall clay-composant dans les céramiques pour la production d’équipement sanitaire, vaisselle, tuiles de toitures, briques…-argiles de mauvaise qualité utilisées pour sceller les déchargesBentonite-boue de forage-litière pour chats-barrière d’étanchéité dans les décharges

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- Les ball clays sont des argiles plastiques constituées principalement de kaolinite avec une contribution mineure d’illite. Ces argiles donnent force et malléabilité à des céramiques avant le chauffage. Elles jouent également un rôle de ciment entre des composés réfractaires lors du chauffage. On les retrouve également dans les céramiques de vaisselle, les poteries, les équipements sanitaires et les briques.

- Les bentonites au sens industriel du terme (cf. chapitre 3) se composent d’un mélange de smectites (principalement montmorillonites) et d’illite. Ces argiles présentent vu leur composition riche en smectites une forte réactivité physique et chimique. En particulier, leurs propriétés d’adsorption les rendent utiles dans la réalisation de barrières hydrauliques par exemple, dans le stockage de déchets (cf. chapitre 10) ou même dans la fabrication de litière pour chats ! Les propriétés de gonflement varient selon le cation interfoliaire présent : les bentonites sodiques sont gonflantes au contraire des bentonites calcique.

Les kaolins : conditions de gisement

Des gisements importants de kaolins se localisent aux USA (Géorgie-Caroline du Nord – Fig. 9.1), dans le centre de l’Allemagne et au sud de l’Angleterre.

Figure 9.1 –Dépôts argileux principaux du SE des USA –Manning, 1995

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Les gisement de kaolins sont soit d’origine primaire ou secondaire. Dans les gisements primaires, il y a transformation chimique ou kaolinitisation d’un minéral précurseur (e.g., feldspath, biotite). Par exemple, le feldspath réagit avec de l’eau pour donner de la kaolinite et du quartz. Il existe différentes conditions de formation :

- par altération chimique impliquant de fluides météoriques à basse température (< 40°C) ;

- par diagenèse suite à l’altération des feldspaths au cours de l’enfouissement avec transformation de la kaolinite en dickite (polytype, cf. chapitre 3) vers 110-130°C.

- par hydrothermalisme suite à la kaolinitisation de verres volcaniques. D’après son domaine de stabilité, le groupe des kaolinites est instable au-delà de 300°C. Une activité hydrothermale de haute température ne peut donc pas être responsable d’un

Figure 9.2 –Domaines de stabilité de la kaolinite et de la dickite–Manning, 1995

D

kaolinitisée. Ce dépôt peut se former, par exemple, suite à l’altération d’un granite au niveau des joints et des fractures (Fig. 9.4). la ceinture de Californie correspond à un gisement secondaire de kaolins. Dans le sud de l’Angleterre, le gisement est d’origine mixte. Les bal

particulier, leur richesse en TiO2 constitue une plus-value au produit car le Ti donne une teinte rose lors du chauffage. processus de kaolinitisation (Fig. 9.2, 9.3). ans le cas de gisement secondaire, le dépôt sédimentaire est alimenté par une roche l clays sont subdivisées en 4 groupes selon leur composition (Tab. 9.4). En

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Fig. 9.3 –Domaine de stabilité de la kaolinite selon la température et la composition du fluide–Manning, 1995

Figure 9.4 –Exemple de gisement de kaolin–Manning, 1995

165 Géologie des argiles Chapitre 9 Argile et industrie

Table 9.4 – Composition des kaolins – Manning, 1995.

Les bentonites : conditions de gisement et applications

La terminologie concernant les bentonites est reprise dans le tableau 9.5. Notons que des minéraux argileux non smectitiques, en particulier des argiles fibreuses, sont également associées aux groupe des bentonites vu leurs applications similaires.

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Table 9.5 –Bentonites : Terminologie –Manning, 1995

Il existe des gisements de bentonites d’origine primaire, formé par altération hydrothermale. Il s’agit de gisement de petite taille par rapport aux gisements secondaires mais qui peuvent être économiquement importants dans certains pays (e.g., Grèce, Japon, Italie – Tab. 9.6). Les conditions de formations des bentonites hydrothermales sont reportées dans les figures 9.5 et 9.6. Le fluide doit contenir du Ca ou du Na, il doit présenter un rapport cation/hydrogène assez élevé pour stabiliser la smectite et son contenu en silice du fluide doit excéder la saturation du quartz. Les roches magmatiques de compositions intermédiaires ou basiques sont des parents potentiels car la déstabilisation des plagioclases apportent du Ca ou du Na. Les bentonites sont rarement pures, la présence de minéraux siliceux comme la cristobalite (ayant solubilité supérieure au quartz) permet de stabiliser les smectites.

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Table 9.6 –Gisements de bentonites –Manning, 1995

Figure 9.5 –Domaine de stabilité des bentonites–Manning, 1995

Figure 9.6 –Domaine de stabilité des bentonites –Manning, 1995

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La majorité des bentonites ont une origine sédimentaire, on les trouve principalement dans des séquences mésozoïque ou tertiaire. Par exemple, le gisement de bentonites du Wyoming (USA) se trouvent dans des séries crétacé, issues de l’altération de cendres volcaniques rhyolitiques altérées lors du transport dans la colonne d’eau.

Le tableau 9.7 montre à titre indicatif les applications très variées des bentonites: adhésifs, fluides de forage, litière pour chats, piégeage isotopes radioactifs dans les décharges, peinture, encre, pesticides, savon, dentifrices…

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Les propriétés physico-chimiques des bentonites (e.g., compression, viscosité) varient selon la nature du cation interfoliaire. Les figures 9.7 à 9.11 comparent les propriétés des bentonites calciques ou sodiques à celles d’autres argiles. La figure 9.7 compare les capacités de compression des bentonites à celle d’autres argiles. Les bentonites calciques sont celles qui présentent des taux de compression les plus élevés. En ce qui concerne la viscosité (Fig. 9.8), elle est maximale pour les bentonites sodique : il suffit de quelques pourcents de bentonites pour obtenir les propriétés d’une boue de forage par exemple (i.e., permet une meilleure récupération des sédiments carottés). La figure 9.9 présente les perméabilités de différents mélanges quartz-par contre, la bentonite calcique est beaucoup moins imperméable. L’absorption d’eau (Fig. 9.10) est continue pour les bentonites sodiques alors qu’elle est rapide au départ pour les bentonites calciques puis ralentie. Finalement, les bentonites sodique sont moins résistantes au cisaillement, les variétés calciques ont des valeurs proches de celles d’autres argiles (kaolinite, illite).

Figure 9.7 –Propriétés de compression des argiles, Grim & Guven, 1978

170 Géologie des argiles Chapitre 9 Argile et industrie Figure 9.8 –Viscosité des argiles, Grim & Guven, 1978

Figure 9.9 –Perméabilité de différents mélanges argileux -Grim & Guven, 1978

171 Géologie des argiles Chapitre 9 Argile et industrie Figure 9.10 –capacité d’adsorption d’eau de différentes argiles -Grim & Guven, 1978Figure 9.11 –Résistance au cisaillement de différentes argiles -Grim & Guven, 1978

2. Les argiles pour la construction

Dans la construction, les argiles sont un constituant essentiel pour la production de briques et tuiles. Les argiles et sédiments argileux utilisables pour les manufactures de briques sont dispersées dans le monde entier . Ils contiennent des argiles comme constituants essentiels et des fragments de roche. Le comportement de la brique dépend des réactions qui se produisent quand le matériel argileux hétérogène est chauffé. La décomposition thermique des argiles est critique lors du chauffage et les minéraux se comportent individuellement. Le tableau 9.8 donne la composition en éléments majeurs d’argiles de construction : globalement Si et Al dominent, avec un pourcentage variable de Fe, Mg, Na, Ca, K. L’abondance de certains composés peut altérer la qualité du produit fini. Par exemple, la calcite altère la couleur de la brique, des oxydes de Ca peuvent s’hydrater lors du refroidissement, le gypse peut se déshydrater puis s’hydrater à nouveau en créant une pellicule à la surface de la brique, la pyrite peut s’oxyder en sulfates ou dioxydes de S qui peuvent émettre des gaz.

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Table 9.8 –Composition chimique d’argiles utilisées pour la construction –Manning, 1995

Modifications minéralogiques lors du chauffage

Le chauffage détruit partiellement les argiles, elles fondent partiellement en formant un ciment entre les autres composants et les fragments de roche. La figure 9.12 montre un profil de température idéal avec un cycle de chauffe de 2 à 3 jours, une période d’agitation à haute température pendant 10h puis un cycle de refroidissement. Les minéraux argileux réagissent rapidement vu leur surface spécifique importante.

Figure 9.12 –Profils de chauffe pour la production d’argiles pour la construction –Manning, 1995

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La figure 9.13 illustre les changements qui se produisent lors de la chauffe d’un matériel utilisé pour la fabrication de briques. L’évolution de la perte au feu traduit l’abondance de matériaux volatiles, principalement l’eau, qui restent à perdre lors de la chauffe. On distingue 3 étapes : (1) une perte d’eau régulière correspondant à la perte des volatiles jusqu’à 850°C ; (2) un plateau où la perte au feu est maintenue à 4% en poids ; (3) au-delà de 950°C, la perte est totale (< 0.5%). Le stade 2 coïncide avec la destruction des minéraux (« shrinkage »). Le stade 3 correspond à la décomposition des minéraux hydratés et à la formation d’un mélange anhydre.

Figure 9.13 – Evolution des propriétés des argiles lors du chauffage - Manning, 1995.

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Le comportement des argiles prises individuellement est mal connu., il existe peu de données sauf pour la kaolinite (Fig. 9.14). la kaolinite subit différentes transformations en fonction de l’augmentation de température. Entre 400 et 700°C, il y a perte d’eau et formation de métakaolinite (phase anhydre Al2Si2O7). Vers 900-1000°C, la métakaolinite se transforme à son tour en mullite (Al6Si2O13) et en spinelle Al-Si. A des températures > 1000°C et pour des durées de chauffe longue, il y a cristallisation de la silice sous forme de cristobalite.

Figure 9.14 – Evolution de la minéralogie des argiles lors du chauffage – Manning, 1995.

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3. Matériaux réfractaires

Les matériaux réfractaires (Fig. 9.15) sont utilisés dans les processus de production qui impliquent un contact avec des substances corrosives à haute température. Les substances doivent être inertes avec les matériaux avec lesquels ils sont en contact, ils doivent être résistants mécaniquement et stables thermiquement (T> 1500°C).

Figure 9.15 –Argiles réfractaires –Manning, 1995

Le tableau 9.9 donne des exemples de minéraux réfractaires ou matériaux composites comme les « fireclay bricks » et des matériaux non minéraux. La distribution des phases dans un diagramme température-composition permet de prédire la température de fusion et le type de réactions. En plus des minéraux argileux, d’autres minéraux siliceux ou alumino-silicatés sont utilisés comme réfractaires. La figure montre la gamme de stabilité des minéraux argileux réfractaires dans un diagramme de phase pour le système binaire Al2O3-SiO2. dans ce système, le type de réfractaires produits est lié à la composition du matériel utilisé (i.e., différents rapports Al2O3/SiO2) : fireclays pour Al2O3/SiO2 < 0.5 ; chamotte ou kaolin pour

176 Géologie des argiles Chapitre 9 Argile et industrie

O/SiO=1; bauxite pour AlO/SiO>>>1. la calcination d’argiles riches en kaolinite va produire de la mullite et un minéral siliceux. Pour un pourcentage d’alumine important (> 72%), le corindon devient stable avec de la mullite. Al2O3/SiO2 = 0.5 ; sillimanite ou andalousite pour Al232 232

Le tableau 9.9 donne à titre indicatif la composition en éléments majeurs de quelques argiles réfractaires. La composition minéralogique est très variable, comprenant principalement de la kaolinite, de l’illite et du quartz. On distingue différentes catégories :

- les fireclays composées de kaolinite et d’illite avec 25% d’alumine se caractérisent par un point de fusion bas, ce qui limite leur utilisation ;

- les fintclays sont constituées d’un mélange de kaolinite, d’illite et de quartz, il s’agit d’une variété d’argile non plastique, de forte densité et de dureté élevée.

- les chamottes correspondent à de la kaolinite calcinée.

Table 9.9 –Composition chimique des argiles réfractaires –Manning, 1995

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25/06/2009
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