CH7: Les argiles

Géologie des argiles Chapitre 7 Diagenèse

Chapitre 7 – Diagenèse

Introduction

La diagenèse inclut toutes les modifications physiques et chimiques qui se produisent dans un sédiment après son dépôt mais avant le métamorphisme (Fig. 7.1). la limite diagenèse-métamorphisme est arbitraire. On peut la fixer vers 300°C, i.e., la température à laquelle toutes les argiles sont transformées en illite ou chlorite. Mis à part la compaction (complète vers 3000m d’enfouissement), le changement majeur lié à la diagenèse consiste en la réaction progressive des smectites en illites via des minéraux intermédiaires interstratifiés. La figure 7.1. montre la distribution en espèce et abondance des minéraux argileux selon l’âge des sédiments : smectite, kaolinite, interstratifiés diminuent avec l’âge tandis que les illites et chlorites augmentent. La smectite est presque toujours absente dans des sédiments d’âge paléozoïque, sauf conditions environnementales particulières. Cette observation suggère que les smectites et les kaolinites ont été transformées en illite ou chlorite suite à l’enfouissement.

Figure 7.1 –Modifications minéralogiques en fonction de l’âge des roches–Eslinger & Peaver, 1988Diagenèse

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Réactions de conversion des smectites en illites

La réaction smectite vers illite implique un piégeage d’Al et K tout en préservant plus ou moins la structure 2/1 (cf. Chapitre 3). La réaction peut se faire par transformation, en étapes successives, avec production d’intermédiaires interstratifiés ou par néoformation, impliquant une phase de dissolution et la précipitation d’illites avec des interfaces gonflants de type smectitique. On peut écrire 3 réactions de base différentes pour expliquer la transformation des smectites en illites (Fig. 7.2).

Figure 7.2 –Mécanismes de formation des illites à partir de smectites –Eslinger & Peaver, 1988

(1) La smectite absorbe de l’Al dans sa structure tétraédrique. L’augmentation de la charge est compensée par l’introduction de K dans l’interfoliaire. La structure originale de la smectite est conservée. Il s’agit d’un mécanisme de transformation. K et Al proviennent de la dissolution de feldspaths. La silice, le magnésium et le fer qui sont libérés se combinent pour former des chlorites (Fig. 7.3).

(2) L’Al se concentre dans les tétraèdres d’une illite formée suite à la dissolution et le départ de la silice de la smectite initiale. La smectite est cannibalisée pour constituer des couches d’illites. Il s’agit d’un mécanisme de transformation mais sans préservation de la structure initiale.

(3) Suite à la dissolution de la smectite, il y a précipitation d’illite ou d’interstratifiés illite-smectite. Une néoformation sans précurseur smectitique est également possible.

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Figure 7.3 –Réactions diagénétiques dans les shales–Eslinger & Peaver, 1988

Modèles d’illitisation

Il existe différents modèles pour expliquer l’illitisation par enfouissement (Fig. 7.4, 7.5 et 7.6). Certains combinent différentes réactions de transformation et de dissolution-précipitation.

Modèle de Nadeau et al. (1984)

D’après des observations au microscope électronique à transmission (TEM), Nadeau et al. ont proposé que le mécanisme d’illitisation se produise sans minéraux interstratifiés intermédiaires. Le comportement aux rayons X typique des minéraux interstratifiés serait en fait lié à la diffraction interparticulaire (Théorie des particules fondamentales – cf. chapitre 3). McHardy et al. (1982) a observé les minéraux responsables du comportement d’interstratifiés aux rayons X. Il s’agit de très petites particules (d’environ 3 mm d’épaisseur) d’illite. Les surfaces de ces petits cristaux d’illites pourraient adsorber de l’eau et se comporter comme des feuillets smectitiques. Les petites illites résultent de la dissolution de smectite, suivie de leur recristallisation. Les interstratifiés illite-smectite sont constitués de 1 à 3 particules élémentaires d’illite et de smectite (Fig. 7.6). Quand toutes les smectites sont dissoutes, la population résiduelle consiste en 2 à 5 particules élémentaires d’illite. Avec la diagenèse, l ‘épaisseur des particules fondamentales augmente. Lorsqu’il y a au moins 5 particules élémentaires, l’argile est interprétée aux RX comme une illite.

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Figure 7.4 –Modèle de conversion des smectites en illites: diffraction des rayons -Chamley, 1989

Selon Nadeau et al., la conversion de la smectite en illite est un mécanisme de recristallisation suite à une dissolution de la smectite et la néoformation d’illite au sein d’une population de très petits cristaux sans stades intermédiaires. Ce modèle a été conforté par les observations au microscope électronique à transmission haute résolution (HRTEM) par le groupe de Peacor (Fig. 7.5).

Figure 7.5 –Modèle de conversion des smectites en illites: microscopie électronique à transmission -Chamley, 1989

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(a) Les smectites dans les illite-smectite (I-S) ont une texture en vague avec de nombreuses dislocations. L’épaisseur varie entre 10 et 13A. Les illites dans les I-S ne comportent par contre pas de défaut. Les smectites et les illites co-existent sous forme de domaines séparés, sans intervention d’I-S. Les smectites sont progressivement remplacées par des illites.

(b) Selon la profondeur d’enfouissement, l’épaisseur des paquets illitiques augmente. A 2450m, les argiles sont constituées de 2 à 5 couches d’illites, ce qui donne aux RX des spectres caractéristiques d’interstratifiés irréguliers I-S.

(c) Vers 5500m, il y a au moins 10 particules fondamentales empilées avec minimum 5 couches d’illite par particule. Par conséquent, le comportement aux rayons X suggère la présence d’interstratifiés I-S réguliers avec au moins 80% d’illite.

Figure 7.6 –Modèle de conversion dessmectitesen illites: Modèle de MacEwan–Moore & Reynolds, 1989

Modèle de Inoue

Le modèle développé par Inoue est intermédiaire entre une transformation et un mécanisme de dissolution-précipitation (Fig. 7.7). L’observation au microscope électronique à balayage (SEM) de sédiments crétacé et tertiaire diagénétisés montre la présence d’illite-smectite réguliers. Ces I-S se développent sur un substrat ayant la morphologie d’une smectite. Ce mécanisme d’illitisation implique la combinaison d’un héritage de smectite et de dissolution-recristallisation avec peu de modifications chimiques. Ce processus ressemble à la croissance de smectite lattée à la périphérie de smectite floconneuse, processus fréquemment observé au cours de la diagenèse précoce. Cependant il implique un changement minéralogique. Selon Pollastro (1985), une partie des I-S serait détruite à haute température par cannabilisation sélective des feuillets smectitique. Cette destruction structurelle partielle

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apporterait l’essentiel (voir la totalité) des éléments chimiques nécessaires à la précipitation d’I-S riches en illites. Par conséquent, le nombre de feuillets argileux diminuerait avec le temps et la profondeur suite à la destruction progressive des feuillets smectitiques et le nourrissage des feuillets illitiques.

Figure 7.7 –Modèle de conversion dessmectitesen illites: Modèle de Inoue–Chamley, 1989

Contrôle de la température

De nombreuses séquences diagénétiques ont été étudiées dans le monde. Une des études la mieux documentée concerne le Golfe du Mexique (Hower, 1981 – Fig. 7.8). Les contrôles de la réaction smectite vers illite sont essentiellement la température (Fig. 7.8), le temps, la nature de la roche et des fluides. La pression a peu d’effet. La figure 7.8 présente l’évolution du pourcentage d’illite dans un interstratifié illite-smectite selon la profondeur ou la température pour des sédiments du Golfe du Mexique. La meilleure tendance est observée en fonction de la température. La figure 7.9 présente également l’évolution du pourcentage d’illite dans des I-S pour des sédiment plio-pléistocènes de Californie. Généralement le pourcentage d’illite augmente d’abord progressivement avec la profondeur, puis assez brutalement vers 3000m d’enfouissement (de 40 à 70-80% d’illite). A cette profondeur, l’interstratifié devient régulier. Parfois la transition est moins abrupte et la structure régulière peut être acquise plus profondément (vers 5000m). Le pourcentage d’illite peut augmenter à

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90% et davantage vers 6500-7000m. Une illite pure peut ne pas apparaître dans certaines régions, même à des profondeurs d’enfouissement de 8000m (e.g., Golfe du Mexique). Par contre, dans des roches anciennes ou dans des régions caractérisées par un gradient géothermique élevé, l’illite peut être présente à des températures > 200°C.

Figure 7.8 –Evolution minéralogique et contrôle thermique: Exemple du Golfe du Mexique –Eslinger & Peaver, 1988

De nombreuses études montrent l’évolution des assemblages argileux suite à la diagenèse d’enfouissement. Toutes les études montrent une tendance à la simplification des assemblages argileux, souvent associée à une recristallisation des argiles. La figure 7.10 illustre l’évolution de la composition des assemblages argileux dans une série Jurassique de 4000m d’épaisseur (SE de la France). Les résultats montrent la disparition de la kaolinite vers 3000m puis de la smectite vers 3500m. Parallèlement, l’illite est de mieux en mieux cristallisée avec la profondeur croissante.

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Figure 7.9 –Evolution minéralogique et contrôle thermique (Californie, Golfe du Mexique) –Eslinger & Peaver, 1988

Figure 7.10 –Evolution minéralogique selon la profondeur d’enfouissement (Montagne de Lure, France) –Chamley, 1989

Modifications des propriétés physiques

Dans les sédiments marins récents, les particules argileuses s’agencent selon une structure irrégulière de type château de cartes. Avec l’enfouissement, les particules s’organisent selon

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une structure plus régulière. La figure 7.11 illustre l’évolution de l’organisation des particules avec l’enfouissement.

Figure 7.11 –Modèle de fabriques minérales en fonction de la profondeur d’enfouissement(d’après Bennett et al., 1981) –Weaver, 1989

On constate une diminution progressive de la porosité avec l’enfouissement. Des courbes d’évolution de la porosité selon la profondeur d’enfouissement sont reportées à la figure 7.12.

Figure 7.12 –Evolution de la porosité dans des shales et des argiles (données de Hinch, 1978) –Weaver, 1989

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Des résultats expérimentaux sont comparés à des séries naturelles. D’après les résultats expérimentaux, la diminution de la porosité est fonction principalement de la taille des particules (kaolinite > illite > smectite). En général, les expériences sur des argiles pures donnent des porosité supérieurs aux valeurs naturelles. La porosité de séries anciennes paléozoïques est inférieures à celle de sédiments plus jeunes (crétacé). Cela dépend de la composition minérale des shales et de la taille des grains : les shales naturels ont plus de quartz par rapport aux argiles expérimentales, les shales paléozoïques ont plus d’illites et de smectites que les shales crétacé.

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25/06/2009
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