CH5b: Les argiles
Géologie des argiles Chapitre 5 (suite) Auhthigenèse
Introduction
L’authigenèse correspond à la formation in situ d’argile quelque soit l’environnement (dans un sol, un sédiment au cours de la diagenèse, du métamorphisme ou de l’hydrothermalisme). Dans les environnements sédimentaires, les argiles authigènes ne sont pas abondantes. Cependant elles ont été beaucoup étudiées car elles apportent des informations sur les processus géochimiques. Parmi les argiles authigènes, il existe de nombreuses smectites (nontronite, stevensite), des micas (glauconite, céladonite) des minéraux associés au groupe des chlorites et des minéraux fibreux (sépiolite, palygorskite). Très schématiquement les environnements continentaux se caractérisent par des argiles Mg, les environnements marins peu profonds des argiles Fe et les environnements marins profonds des argiles Fe-Mg. Il existe un contrôle évident de la géochimie du Fe et du Mg dans la formation des argiles authigènes
(Fig. 5.27).Origine: Néoformation
Figure 5.27 – Minéraux argileux Fe-Mg formés par authigenèse : Environnements (Velde, 1995) .
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Glauconites
Les glauconites sont des pellets verdâtres formés à proximité de l’interface eau-sédiment, correspondant au remplacement d’agrégats biologiques (pelotes fécales) ou sédimentaires (grains carbonatés). Les glauconites se distribuent essentiellement au niveau de la plateforme continentale entre 100 et 300m. L’étude des signatures isotopiques en Sr, Nd et δ18O a permis de comprendre les mécanismes de formation des glauconites (
Fig. 5.28ab). Dans le Golfe de Guinée, la composition isotopique en Sr des glauconites est proche de celles des argiles détritiques associées aux glauconites suggérant un lien génétique. Clauer propose un processus de glauconitisation en 2 étapes : (1) un mécanisme de dissolution-précipitation d’argiles détritiques dans des pellets dans des environnements confinés, isolés de l’eau de mer ; (2) une évolution dans un système ouvert avec influence de la signature de l’eau de mer, par exemple une croissance cristalline par précipitation directe à partir de l’eau de mer. Les signatures isotopiques du Nd confirme le modèle basé sur le Sr mais suggère l’intervention d’un troisième composant, par exemple les oxy-hydroxydes de Fe associés aux argiles (i.e., phase minérale riche en REE mais pauvre en Sr). Le Fe des glauconites pourrait donc provenir de ces phases associées aux argiles.Figure 5.28a – Interprétation de l’origine des glauconites basée sur les compositions isotopiques en oxygène et en strontium (Clauer & Chaudhuri, 1995).
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Figure 5.28b – Interprétation de l’origine des glauconites basée sur les compositions
isotopiques en strontium et en néodyme (Clauer & Chaudhuri, 1995).
Altération de la croûte océanique
Le matériel volcanique généré au niveau des rides médio-océaniques et des volcans sous-marins réagit avec l’eau de mer pour produire des minéraux secondaires argileux, essentiellement des smectites, céladonites et des zéolites. Il y a 3 modèles de formation à basse température :
(1) Altération lente de roches volcaniques refroidies ;
(2) Réaction à basse température de silice biogène avec les oxy-hydroxydes de Fe libérés du basalte chaud lorsqu’il rencontre l’eau de mer ;
(3) Précipitation et l’altération de fluides hydrothermaux
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Figure 5.29a – Minéraux produits par altération de la croûte océanique (Chamley, 1989).
Figure 5.29b – Mécanismes d’altération de la croûte océanique (Chamley, 1989).
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La
figure 5.29b montre la séquence de formation des argiles lors d’un refroidissement de coulées basaltiques et le réchauffement du basalte par les fluides hydrothermaux. Des argiles smectitiques trioctaédriques Fe-Mg se forment à basse température dans des conditions alcalines. En conditions oxydantes, il y a formation de céladonites, de smectites dioctaédriques Fe (montmorillonite, nontronite) et d’hydroxydes de Fe vers 20°C. Au cours du réchauffement, la pénétration de l’eau de mer sous conditions oxydantes conduit à la formation de smectites dioctaédriques et de micas au contact du basalte. Si l’eau de mer est enrichie en Mg (libéré du basalte à haute température), il peut y avoir formation de chlorite ou de minéraux interstratifiés chlorite-smectite (corrensites). L’eau de mer ou l’eau juvénile (i.e., issue du basalte) produisent des argiles comme les saponites, sépiolites et palygorskite.A basse température, l’altération de la croûte océanique est due aux fluides hydrothermaux au contact des basaltes. Seuls les verres volcaniques, les olivines et les plagioclases sont transformés. Par contre à haute température l’altération des roches volcaniques a des caractéristiques proches du métamorphisme. Il y a modification de tous ls minéraux. Avec l’accroissement de la température, le facies à zéolites (formation de saponite, talc, smectite-vermiculite-chlorite, zéolites Na-Ca) est progressivement remplacé par le facies schistes verts (formation de chlorite) puis le facies amphibolite (formation de hornblende et de plagioclase).
Le
tableau 5.14 présente des analyses chimiques d’argiles authigènes marines. On constate une large gamme de compositions entre un pôle Fe et un pôle Al. Il n’a pas été démontré si les montmorillonites Fe résultent du mélange de nontronites authigènes (plutôt Fe) et de nontronites détritiques (plutôt Al) ou si les débris volcaniques constituent une source d’Al pour former une phase pure riche en Al (nontronite – fig. 5.30).115 Géologie des argiles Chapitre 5 (suite) Auhthigenèse
Table 5.14 – Compositions des argiles authigènes marines : exemples des nontronites (Weaver, 1989).
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Figure 5.30 – Evolution des compositions des argiles authigènes (Chamley, 1989).
Altération hydrothermale
L’hydrothermalisme résulte de l’interaction de l’eau migrant dans la croûte océanique. L’eau se refroidit progressivement et lessive le basalte (
Fig. 5.31). Il se produit des re-précipitations. Les dépôts hydrothermaux comprennent principalement des oxydes Fe-Mn et peu de phases argileuses (lié à l’excès de Fe et déficit de Si ou Al ?). Les argiles sont essentiellement des smectites dioctaédriques (nontronites), avec localement quelques smectites trioctaédriques (saponites). Des palygorskites et des sépiolites peuvent être aussi présentes. , résultant de transformation de sédiments riches en smectites situés à proximité des basaltes et soumis à la circulation hydrothermale. Dans les sédiments pélagiques intrudés ou recouverts de coulées basaltiques, il se produit un développement d’argiles particulières (interstratifiés illite-chlorite ou chlorite) suite au métamorphisme de contact.117 Géologie des argiles Chapitre 5 (suite) Auhthigenèse
Figure 5.31a – Minéraux argileux produits par hydrothermalisme : Synthèse (Chamley, 1989).
Figure 5.31b – Minéraux produits par hydrothermalisme : Exemple de la Ride Est Pacifique 20°N (Chamley, 1989).
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Des analyses isotopiques en Pb ont été réalisées sur la fraction argileuse de sédiments marins sus-jacents aux basaltes de la croûte (leg DSDP 54, à proximité des îles Galapagos). La composition isotopique des argiles est proche de celles des basalte (
Fig. 5.32). Il existe cependant un léger fractionnement isotopique : le rapport 207Pb/204Pb des argiles est légèrement supérieur à celui des basaltes des Galapagos . Ceci suggère une contamination par du matériel d‘origine continentale. L’objectif de ce genre d’études était de tester les potentialités du système isotopique U-Th-Pb pour dater les remplissages argileux des basaltes altérés des rides médio-océaniques. L’enrichissement en U des produits secondaires formés à basse température rendait possible ce genre d’analyses. La similitude des signatures isotopiques en Pb des basaltes et des argiles secondaires limite fortement cette approche.Figure 5.32 – Signatures isotopiques du plomb d’argiles formées par hydrothermalisme:
Exemple des Galapagos (Clauer & Chaudhuri, 1995).
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Altération de basaltes à basse température
Il existe de nombreux exemples d’altération des basaltes océaniques suite aux forages profonds DSDP et ODP. La séquence d’altération varie selon l’accroissement de température (
Fig. 5.33): les nontronites évoluent en beidellites et céladonites puis en saponites (8-280°C) ou en serpentines (T > 300°C).Figure 5.33 – Séquence d’altération des basaltes océaniques selon la température (Velde, 1992).
Schématiquement, l’altération de basaltes engendrent des argiles riches en Fe à basse température et une augmentation de l’abondance des alcalins en fonction de l’augmentation de la température. Par exemple, certains basaltes altérés montrent la formation de céladonites ou de glauconites en plus des saponites et nontronites (
Fig. 5.34).Figure 5.34 – Exemple de spectre de céladonites / glauconites d’origine hydrothermale (Weaver, 1989).
120 Géologie des argiles Chapitre 5 (suite) AuhthigenèseLes données de diffraction des rayons X montrent une argile à 10A qui comporte seulement quelques feuillets gonflants. Le spectre XRD ressemble à une glauconite bien cristallisée. D’après les compositions en δ18O, ces argiles seraient formée à basse température.
L’altération des basaltes donne un assemblage argileux complexe et les interprétations restent encore spéculatives. Les produits d’altération se concentrent dans des fissures de 1 à 10 mm de large se développant dans la série basaltique (
Fig . 5.35).Basalte fraisZone altérée
Figure 5.35 – Exemple d’altération de basaltes en coussins : Ride des Bermudes, site DSDP 417A
(Weaver, 1989).
Une zonation dans l’altération se développe depuis le basalte intact vers la périphérie (
Fig. 5.36). Le principal minéral secondaire est un argile smectitique Al (beidellite, montmorrillonite) qui remplace généralement le plagioclase.121 Géologie des argiles Chapitre 5 (suite) Auhthigenèse
Figure 5.36 – Diagrammes de diffraction de montmorillonites et interstratifiés prélevés à différents endroits des basaltes en coussins, site DSDP 417A, Ride des Bermudes (Weaver, 1989).
Le stade de formation de cette argile est débattu : soit formée à haute température ou suite à une longue exposition par rapport à l’eau de mer (i.e., processus de palagonitisation). La smectite se forme dans les premiers stades puis évoluerait en céladonite ou interstratifiés illite-smectite. Les autres minéraux secondaires se forment à partir de Fe et Al du basalte et de Mg et K de l’eau de mer.
Selon Honorez (1987), le processus d’hydratation du verre volcanique ou
palagonitisation se produirait en 3 étapes (Fig . 5.37) :(1) Lors du stade initial, le basalte intact est préservé et il n’y a pas de minéraux authigènes secondaires dans le verre altéré. Le verre s’oxyde et se transforme en palagonite. Les minéraux authigènes sont limités aux espaces entre les grains et les vésicules.
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L’altération débute par la formation de smectite Mg (saponite) et de zéolites (phillipsite).
(2) Lors du stade mature, tout le verre est altéré, remplacé par des smectites et des zéolites. Les smectites présentent des compositions comprises entre des argiles Mg et K (saponite, nontronite).
(3) Lors du stade final, les minéraux résiduels sont entièrement remplacés. Les minéraux secondaires consistent en un mélange de smectites de composition K-Mg-Fe et d’oxydes de Fe-Mn hydratés.
Le budget chimique consiste en le piégeage de K, Mn, Na de l’eau de mer vers le basalte et la libération de Ca, Mg, Si. L’intensité des échanges chimiques dépend de la durée de la circulation d’eau dans le basalte.
Figure 5.37 – Mécanismes d’altération de verres volcaniques à basse température : Palagonitisation (Chamley, 1989).
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