CH2b: Les argiles

Géologie des argiles Chapitre 2 (suite) Identification des Minéraux interstratifiés

Identification des minéraux interstratifiés par diffraction des rayons X

A l’exception des interstratifiés réguliers les minéraux interstratifiés produisent des reflections larges, non intégrales et asymétriques. La figure 2.19a montre la séquence des réflections (00l) pour une smectite pure. Chaque pic multiplié par l’ordre de la diffraction donne 17A s’il n’y a pas d’interstratifiés (i.e., séquence intégrale). Soit :

17 x 1 = 17

8.5 x 2 =17

5.67 x 3 = 17

4.26 x 4 = 17

3.40 x 5 = 17

2.83 x 6 = 17

17.0 x 1 = 178.50 x 2 = 175.67 x 3 = 174.26 x 4 = 173.40 x 5 = 17 2.83 x 6 = 17

Figure 2.19a – Réflection harmonique pour les minéraux argileux simples

(Eslinger & Peaver, 1988).

Par contre pour une smectite avec 10 à 15% de feuillets illitiques (Fig. 2.19b), la séquence n’est pas intégrale. Soit :

17 x 1 = 17

8.6 x 2 = 17.2

5.58 x 3 = 16.74

4.10 x 4 = 16.4

3.37 x 5 = 16.85

2.81 x 6 = 16.85

17.0 x 1 = 17.008.60 x 2 = 17.205.58 x 3 = 16.744.10 x 4 = 16.403.37 x 5 = 16.852.81 x 6 = 16.86

Figure 2.19b – Réflections harmoniques pour les minéraux argileux interstratifiés

(Eslinger & Peaver, 1988).

39 Géologie des argiles Chapitre 2 (suite) Identification des Minéraux interstratifiés

La figure 2.20 illustre l’évolution de la position de la réflection (001) et de la forme du pic selon la teneur en smectite dans le feuillet. Le minéral interstratifié illite-smectite se rapproche de plus en plus de la réflection de l’illite au fur et à mesure que la teneur en smectite des feuillets diminue. La détection des interstratifiés est liée à l’observation de réflections pour des valeurs de d ne correspondant à aucune famille d’argiles. L’analyse des minéraux interstratifiés peut se faire par comparaison des spectres mesurés avec des spectres théoriques (Fig. 2.21).

Teneur en smectite croissante

Figure 2.20 – Exemple d’évolution des spectres de diffraction selon la teneur en feuillets smectitiques d’interstratifiés illite-smectite (Weaver, 1989).

Montmorillonite pureIllite pure

Figure 2.21 – Spectres théoriques de minéraux interstratifiés à 2 composants (Tucker, 1991).

40 Géologie des argiles Chapitre 2 (suite) Identification des Minéraux interstratifiés

L’analyse des interstratifiés implique la détection des interstratifiés, la détermination des composés, le degré d’ordre ou de désordre et l’abondance relative des différents composés.

(a) L’identification des composés est basée sur le comportement observé selon les différents traitements (Tab. 2.7). La majorité des minéraux interstratifiés ont des couches de type 2/1. Il existe quatre types principaux de feuillets (smectite,chlorite,illite et vermiculite) qui combinés deux à deux donnet des interstratifiés illite-smectite, illite-vermiculite, illite-chlorite, chlorite smectite ou chlorite-vermiculite. Lors du chauffage, les feuillets smectitiques dans les interstratifiés I-S ou les feuillets vermiculitiques dans les I-V s’effondrent à 10A. Le minéral produit n’apparaît donc plus comme un interstratifié mais a un comportement d’illite.

Table 2.7 – Identification des composants argileux dans un interstratifié à 2 termes

(Eslinger & Peaver, 1988).

(b) Par rapport aux séquences de pics d’une phase pure, les minéraux interstratifiés réguliers se caractérisent par une réflection supplémentaire ou sur-structure correspondant à la somme des réflections basales des 2 composés. Les minéraux irréguliers présentent des réflectrions élargies, de moindre intensité avec une périodicité inégale.

(c) La forme des réflections des minéraux interstratifiés reflète le pourcentage relatif des 2 composés dans le minéral interstratifié. La figure montre la position de la reflection pour un minéral interstratifié irrégulier depuis la phase pure du composé 1 vers la phase pure du composé 2. Si la distance entre les réflections est petite, le déplacement sera linéaire et la réflection aigue. si la distance entre les réflections est grande (c-à-d si on s’écarte d’une composition intermédiaire 50-50), la réflection devient diffuse et le déplacement suit une courbe en “ S ”. La figure 2.22 illustre la forme de la réflection (002) d’un minéral interstratifié selon l’abondance relative des composés A et B.

41 Géologie des argiles Chapitre 2 (suite) Identification des Minéraux interstratifiés

Les tableaux 2.8 et 2.9 donnent la position des réflections (001) et l’évolution en fonction des traitements pour des interstratifiés réguliers.

Figure 2.22 – Forme des réflections en fonction de l’abondance des 2 composants dans un minéral interstratifié (Thorez, 1986).

Table 2.8a – Effets des différents tratitements sur des minérauxc interstratifiés (Thorez, 1986).

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Table 2.8b – Effets des différents traitements sur les minéraux argileux interstratifiés (Thorez, 1986).

Table 2.9 – Effets des différents traitements sur des minéraux interstratifiés à 2 composants (Holtzapfell, 1985).

43 Géologie des argiles Chapitre 2 (suite) Identification des Minéraux interstratifiés

Traitements complémentaires

Les schémas de diagnose des assemblages argileux naturels sont généralement basés sur la comparaison des trois spectres N, EG et H. Des compléments d’information sur la nature des interstratifiés et l’origine des minéraux argileux, les smectites en particulier, peuvent être obtenus en complétant les analyses de routine par des saturations des espèces argileuses avec des chlorures de Li, K, Mg,...Jacques Thorez a élaboré de nombreux schémas de diagnose (Thorez, 1986). Schématiquement la saturation au Li permet, par exemple, de différencier la nature des smectites, montmorillonites ou beidellites. Seules les beidellites conservent leur capacité de gonfler lorsqu’elles sont soumises à des vapeurs de glycérol après chauffage.

On observe les séquences suivantes

- pour les beidellites: 14(N)-17(EG)-10(H), 12 à 14 (LiN), 10 (Li300°C), 17 (Li300°C+Gl) ;

- pour les montmorrilonites: 14(N)-17(EG)-10(H), 12 à 14 (LiN) - 10 (Li300),10 (Li300Gl).

La saturation au K permet quant à elle de différencier l’origine des smectites, néoformées ou transformées. Seules les smectites néoformées conservent leur capacité de gonfler lorsqu’elles sont soumises à des vapeurs de glycérol après chauffage.

On observe les séquences suivantes

- pour les smectites transformées: 10 (KN), 10 (K110°C), 10 (K110EG) ;

- pour les smectites néoformées: 10 (KN), 10 (K110), >10 (K110EG).

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Schéma d’interprétation des spectres de diffraction des rayons X

1. Dessiner le bruit de fond (méthode des tangentes).

Figure 2.23 – Mesure du bruit de fond (Holtzapfell, 1985).

2. Repérer les pics

Figure 2.24 – Interprétation des spectres de diffraction sur agrégats orientés : paramètres à mesurer (Moore & Reynolds, 1989).

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3. Attribuer à chaque pic une valeur de d en fonction de la position angulaire et l’anode utilisée. Il existe des tables de conversion (Tables de Rose) dans lesquelles on cherche la valeur de 2θ et on obtient directement la valeur de d correspondante). Il est également possible d’utiliser des règles pré-étalonnées selon la formule de Bragg.

4. Observer les déplacements des pics d’un traitements à un autre et identifier les minéraux présents en utilisant les tables de diagnose.

5. Mesurer l’intensité du pic de référence, i.e., généralement la réflection (001), pour chaque minéral identifié.

Soit:

Illite 10A

Chlorite 14A

Vermiculite 14A

Smectite 17A

Kaolinite 7A

Palygorskite 10.4A

Sépiolite 12A

Toutes les mesures sont généralement effectuées sur le spectre EG.

6. Estimer semi-quantitativement l’abondance relative de chaque minéral identifié en multipliant l’intensité mesurée par un facteur correctif tenant en compte la forme du pic et donc l’état de cristallisation du minéral (Tab. 2.10 et 2.11). Ce facteur tient aussi compte d’autres paramètres liés à la technique:

(a) L’élargissement expérimental des réflections qui affectent surtout les réflections étroites (surface limitée). Ceci explique le choix du facteur correctif de 0.5 ou 0.7 pour la kaolinite plutôt que 1 comme pour l’illite.

(b) Les variations d’incidences du faisceau sur la préparation, surtout pour les petits angles où la surface analysée est grande. Une part de la surface analysée n’est pas assimilable à un cercle goniométrique, on a donc un défaut d’alignement entre la source, l’échantillon et le détecteur. Cela induit une atténuation des intensités des réflections aux petits angles par rapport aux autres.

46 Géologie des argiles Chapitre 2 (suite) Identification des Minéraux interstratifiés

Table 2.10 - Estimation semi-quantitative : facteur correctif à appliquer aux intensités mesurées (Holtzapfell, 1985).

Pour l’intensité de l’illite mesurée à 10A, on choisit arbitrairement un facteur correctif de 1. Pour la kaolinite à 7A, on fixe généralement un facteur correctif multiplicatif plus petit de 0.5 ou 0.7 (vu degré d’organisation élevé, réflection moins atténuée). Pour la smectite, en théorie, on lui attribue généralement un facteur correctif multiplicatif plus élevé de 1.5 à 2 (réflection atténuée, faible degré d’organisation). Cependant, des essais de laboratoires ont montré que pour une même quantité de smectite et d’illite, la réflection à 17A de la smectite

47 Géologie des argiles Chapitre 2 (suite) Identification des Minéraux interstratifiés

était 4 à 5 fois plus importante que celle de l’illite (J. Thorez, comm. pers.). J. Thorez propose donc d’utiliser un facteur correctif de 0.2 à 0.25 pour les smectites.

Illite x 1.0

10-14 x 0.40

14-14 x 0.40

Chlorite x 0.34

Vermiculite x 0.34

Smectite x 0.25

Smectite Al x 0.25

Kaolinite x 0.70

Table 2.11 – facteurs correctifs (Thorez)

Pour éviter d’utiliser un facteur correctif, il est également possible de mesurer directement l’intensité de la smectite sur le pic à 10A après chauffage. En effet, au chauffage la smectite se rétracte à 10A: l’intensité du pic à 10 est donc la somme de l’intensité de la smectite et de l’illite. il suffit alors de déduire l’intensité liée à l’illite mesurée à 10A sur le spectre EG. Les argiles fibreuses se caractérisent par des facteurs correctifs élevés car leur structure est défavorable à une bonne diffraction.

L’intensité des argiles identifiées est corrigée par les facteurs correctifs. Les intensités corrigées sont ensuite sommées à 100%. L’intensité corrigée divisée par la somme permet d’obtenir une abondance relative de chaque minéral argileux identifié.

Mesures complémentaires sur les spectres

A. Caractérisation de l’illite

Cristallinité de l’illite

La cristallinité s.l. de l’illite est définie comme la largeur à mi-hauteur du pic à 10A de l’illite (Fig. 2.25). Ce paramètre est interprété différemment selon le contexte géologique.

En domaine sédimentaire, la cristallinité s.l. de l’illite témoigne du degré d’altération de l’illite (Thorez, 1986). Pour des valeurs de cristallinité s.l. inférieures à 3 mm (i.e., 0.3° 2θ avec une vitesse d’enregistrement de 1° 2θ/min), l’illite est dite fermée: elle a subi peu d’altération. Pour des valeurs >10 mm, l’illite est dite ouverte: le minéral est largement altéré (Fig. 2.26).

48 Géologie des argiles Chapitre 2 (suite) Identification des Minéraux interstratifiés

Figure 2.25 – Mesures complémentaires (Holtzapfell, 1985).

Figure 2.26 – Cristallinité de l’illite (Thorez, 1986).

49 Géologie des argiles Chapitre 2 (suite) Identification des Minéraux interstratifiés

Altération croissante

Figure 2.27 – Cristallinité de l’illite en fonction de l’altération (Thorez, 1986).

En domaine métamorphique, la cristallinité de l’illite diminue selon le degré croissant de métamorphisme. Dunoyer de Segonzac a établi différents domaines de cristalllinité selon les différents stades diagénétiques (épizone, anchizone, catazone). Les valeurs sont arbitraires et uniquement comparables si mesurées dans les mêmes conditions (Fig. 2.28).

Diagenèsecroissante

Figure 2.28 – Cristallinité de l’illite en fonction de la diagenèse (Thorez, 1986).

50 Géologie des argiles Chapitre 2 (suite) Identification des Minéraux interstratifiés

En fait, la cristallinité s.s. ne se mesure que dans les conditions expérimentales précisées par Kubler.

Indice d’Esquevin

Le rapport d’intensité (002)/(001) de l’illite est défini comme l’indice d’Esquevin. Il est lié à la composition de l’octaèdre, plus précisément au rapport Al2O3/(FeO+MgO). Il existe une correspondance entre la valeur de la cristallinité s.l. et le rapport Al2O3/FeO+MgO de l’octaèdre.

Notons qu’il s’agit de paramètres directement mesurables sur les spectres de diffraction mais qu’ils ne sont interprétables que si il n’y a pas d’interférences avec d’autres minéraux.

B. Caractérisation des smectites

Cristallinité des smectites

Biscaye (1965) a proposé de mesurer la “ cristallinité de la smectite ” par le rapport entre la profondeur de la vallée vers les petits angles et le pic de smectite (rapport v/p – Fig. 2.29). La profondeur de la vallée dépend de l’endroit où la réflection de la smectite intercepte le bruit de fond. Au plus large est la réflection, au plus l’angle auquel il intercepte le bruit de fond est grand et la vallée est mal définie, peu creusée. Les smectites bien cristallisées ont un pic bien marqué qui n’interfère pas avec le bruit de fond vers les petits angles (v/p = 1). Les smectites mal cristallisées développent un épaulement vers les petits angles (v/p = 0), les smectites très mal cristallisées ne montrent pas de pic évident, la vallée est quasi inexistante (v/p < 0).

Figure 2.29 – Mesure de la cristallinité de la smectite (Thorez, 1986)

51 Géologie des argiles Chapitre 2 (suite) Identification des Minéraux interstratifiés

Le degré de cristallinité de la smectite (définie selon Biscaye) est fonction du degré d’altération de la smectite, généralement lié au pourcentage de feuillets interstratifiés illitiques présents dans la smectite. Des abbaques permettent d’estimer le pourcentage de feuillets illitiques dans une smectite à partir de la mesure du paramètre v/p (Fig. 2.30 - Retke, 1991).

mesure sur spectreinterprétation

Fig. 2.30 – Paramètre v/p et teneur en smectite dans un interstratifié illite-smectite (Thorez, 1986).

Des tableaux (e.g., Tab. 2.12, 2.13) donnent la correspondance entre le pourcentage d’interstratification et la valeur de d obtenue sur des spectres de mélanges simples ou à partir de diagrammes théoriques (Brindley & Brown, 1989; Moore & Reynolds, 1989).

Abondance croissantede l’Illite

Table 2.12 – Abondance de l’illite dans un minéral interstratifié illite-smectite selon la position des réflections (Eslinger & Peaver, 1988).

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Table 2.13 – Abondance de l’illite dans un interstratifié illite-smectite selon la position des réflections (Moore & Reynolds, 1989).

Figure 2.31 – Position des réflections pour un mélange théorique de minéraux interstratifiés à 2 composants (Moore & Reynolds, 1989).

Classe des smectites

L’allure de la réflection à 17A sur le spectre EG (forme, symétrie) est indicatrice du degré d’interstratification (e.g., présence ou non de feuillets illitiques dans la smectite). J. Thorez a introduit une notion de classe des smectites, de la smectite pure à la smectite la plus riche en feuillets interstratifiés (Fig. 2.32, 2.33): la classe A correspond à un pic bien défini par rapport au bruit de fond (v/p > 0); la classe B à un épaulement (v/p > 0), la classe C à un pic mal défini (v/p > 0); la classe D se caractérise par un pied vers les petits angles (v/p = 0); la classe E présente un v/p < 0.

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Fig.2.33 - Cristallinité de la smectite : relation entre le paramètre v/p et la classe des smectites (Thorez, 1986).

Figure 2.32 – Caractérisation de la smectite : paramètre v/p, classe (Thorez, 1986).

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25/06/2009
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