CH2: Les argiles
Géologie des argiles Chapitre 2 Méthodes
Chapitre 2 – MéthodesNotion d’échelle
Les minéraux argileux peuvent être étudiés à différentes échelles, de l’atome au paysage avec des méthodes appropriées
(Fig. 2.1 & 2.2). L’observation de lames minces permet une approche micro-morphologique qui consiste à étudier la distribution des argiles dans la roche sédimentaire ou les sols. La fabrique ou agencement des particules argileuses s’étudie via la microscopie électronique à balayage (MEB, SEM); la morphologie des particules s’observe plutôt au microscope à transmission (MET, TEM). Le degré d’hydratation des assemblages argileux s’obtient via des analyses thermique différentielle (ATD, DTA) ou thermo- gravimétrique (ATG, TGA). L’étude à l’échelle moléculaire est obtenue par spectroscopie infrarouge (IR), à l’échelle atomique par microscopie électronique à transmission à haute résolution (HRTEM). La composition minéralogique des assemblages argileux est déduite par la diffraction des rayons X (DRX, XRD).Figure 2.1- Etudes des argiles à différentes échelles (Thorez, 1989)
A l’exception de la XRD, les méthodes d’études ne s’appliquent généralement que sur des phases argileuses pures ou simples. Les résultats sur phase mixte, par exemple des assemblages argileux naturels de sols, sédiments ou roches sédimentaires, ne sont pas interprétables.
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Echelled’observation décroissanteFigure 2.2 – Méthodes d‘étude des argiles à différentes échelles (Velde, 1992)
DTA et TGA
Les minéraux argileux comprennent différents types d’eau ou d’ions OH dans leur structure, caractérisés par leur énergie de liaison
(Fig. 2.3a).L’analyse thermo-gravimétrique consiste à suivre la perte en poids d’un minéral argileux en fonction de la température de chauffe. La courbe comporte différents paliers correspondant à la perte des différents types d’eau
(Fig. 2.3b):- perte de l’eau adsorbée, généralement vers 80-90°C, correspondant à une perte en poids de 1%;
- perte de l’eau zéolitique c-à-d l’eau comprise dans les canaux des argiles fibreuses, il s’agit d’une quantité fixée et limitée se produisant vers 100-150°C;
- perte de l’eau adsorbée dans l’espace interfoliaire, disposée en 1 ou 2 couches, vers 100-200°C;
-perte de l’eau cristalline c-à-d des ions OH de la structure, débute à partir de 500°C.
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Figure 2.3 – Localisation de l’eau dans les argiles (Velde, 1992)
Figure 2.3b – Courbe de perte en poids lors d’une analyse thermo-gravimétrique (Velde, 1992).
L’analyse thermique différentielle est basée sur les réactions thermiques qui se produisent lorsqu’un minéral est chauffé
(Fig. 2.3c). Les variations de températures sont reportées en fonction du temps et de la température. La courbe enregistre les pertes d’eau (réactions endothermiques généralement) mais aussi les recristallisations et les recombinaisons (réactions exothermiques).Figure 2.3c – Mesure des variations de la température lors d’une analyse thermique différentielle
(Velde, 1992).
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Ces méthodes sont importantes dans le domaine des céramiques. Le
Table 2.2a – ATD (Eslinger & Peaver, 1988)
Table 2.2b – ATG (Eslinger & Peaver, 1988).
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IR
La méthode de spectroscopie infrarouge consiste à soumettre une suspension argileuse diluée (< 1mg dans une solution de KBr) à une gamme de rayonnmenent infrarouge. Les argiles absorbent le rayonnement selon les fréquences de vibrations de leurs composés cristallins (e.g., OH, Si-Al-F dans tétraèdre, Mg dans octaèdre, liaison Si-O-Si dans tétraèdre). La figure
(Fig. 2.4) illustre les différents modes de vibration (i.e., “ stretching, bending, molecular vibration ”).Des exemples de spectres IR sur différentes argiles pures sont reportés à la
figure 2.5. L’énergie absorbée est reporte en fonction de la fréquence du rayonnement. La position des pics dans le diagramme est caractéristique des liaisons atomiques. par exemple pour le groupement OH, la position de la bande d’absorption va dépendre du type de feuillet (di- ou tri-octaédrique), de la nature des cations dans le site octaédrique et du taux d’occupation.Figure 2.4 – Analyse infrarouge (Velde, 1992).
MEB-SEM
La microscopie électronique à balayage est basée sur l’interaction entre un faisceau d’électron et une matrice cristalline ou non. Le faisceau d’électrons secondaires ou celui des électrons rétro-diffusés sont utilisés pour obtenir une image de l’échantillon irradié avec une résolution de l’ordre de 0.01 micron. Cette technique donne des informations sur le relief de l’échantillon, la morphologie des grains et leur agencement (
Fig. 2.6). En16 Géologie des argiles Chapitre 2 Méthodes
complément, un spectre de dispersion en énergie (EDAX) donne une information semi-quantitative sur le contenu chimique. Les échantillons doivent être métallisés avant l’analyse. Cependant cette préparation n’est plus nécessaire avec le microscope environnemental (ESEM).
MET-TEM et HRTEM
Le microscope électronique en transmission permet d’étudier la forme des particules argileuses (
Fig. 2.7). Une suspension d’argile est déposée sur une grille de Cu recouverte d’un film de matière organique (collodion). Le faisceau d’électron est absorbé davantage par les argiles que par la matière organique du support, ceci donne une ombre indicatrice de la forme des particules.La microscopie électronique en transmission et à haute résolution permet d’observer des couches minces de matériaux argileux et de déduire les modes d’empilement des feuillets. Cette approche est importante dans l’identification des minéraux interstratifiés. Des exemples seront présentés au cours.
EDAX spectrumFigure 2.7 – Photographies au MET d’halloysites belges (Angleur) – source : D. Nicaise. Figure 2.6– Photographies au MEB d’halloysites belges (Weilen) – source : D. Nicaise.
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Figure 2.5 – Exemples de spectres IR sur minéraux argileux (Caillière et al., 1982) 18 Géologie des argiles Chapitre 2 MéthodesDiffraction des rayons X
Cette méthode, essentielle
e., cas des assemblages naturels dans les sols et les sédiments), sera traitée aux cours des séances de travaux pratiques.
I
La diffraction
s rayons X (0.1 < λ < 10nm) sur un échantillon argileux orienté ou non. Le rayonnement pénètre le cristal, il y a absorption dune partie de l’énergie et excitation des atomes avec émissions de radiations dans toutes les directions. Les radiations émises par des plans atomiques qui sont en phases vont engendrer un faisceau cohérent qui pourra être détecté. La condition pour que les radiations soit en phase s’exprime par
la loi de Bragg nλ = 2d sinθoù
n: n
λ: longueur d’onde du rayonnement utilisé
d: espace basal (synonyme:espace atomique
θ: angle de diffraction
C
Illite : espace basal = 10 Angströms
Figure 2.8 – définition de l’espace basal à 10A pour une illite (Moore & Reynolds, 1989). dans l’identification des assemblages argileux complexes (i. ntroduction des rayons X consiste à appliquer un rayonnement de la longueur d’onde deombre entier correspondant à l’ordre de la diffraction , ou inter-réticulaire), en angströms haque famille argileuse sera caractérisée par sa valeur de d (Fig. 2.8).19 Géologie des argiles Chapitre 2 Méthodes
Production des rayons X rayons X constitué d’une anode métallique (CLe rayonnement X est émis par un tube à
o, Cu) bombardée par un faisceau d‘électrons produit par un filament chauffé. La radiation émise sort par des fenêtres de Be. Le spectre émis, par exemple par une anode de Cu
Figure 2.9 – Production des rayons X. (a) Tube à rayons X ; (b) Exemple de spectre émis par une anode de Cu (Tucker, 1991).
Fig. 2.10 – Rayonnement discret lié aux transitions électroniques (Tucker, 1991). 20 Géologie des argiles Chapitre 2 MéthodesPrincipe de la diffraction
Lorsque le rayonnement X
rections selon des fronts d’onde qui se propagent (
ngle d’incidence. Le rayonnement est dispersé dans toutes les directions. Tous les rayons émis par les atomes d’un même plan sont en phase et contribuent au faisceau diffracté. Ceci est valable pour toutes les rangées d’atomes. La différence de chemin entre le faisceau incident qui arrive sur la 1ère ou la 2ième rangée est équivalente à 2dsin
θ. Par conséquent, les rayons dispersés seront en phase et se renforceront si la différence de chemin parcouru est égale à un nombre entier de la longueur d’onde du rayonnement incident λ.2. Interférences entre les rayonnements émis1. Interaction entre les rayons X et les électrons
rencontre des électrons, il est dispersé dans toutes les di un angle θ, identique à l’a21 Géologie des argiles Chapitre 2 Méthodes
Figure 2.11 – Principe de la diffraction (Schroeder, 2002).
3. Diffraction par un plan d’atomes5. Diffraction par une structure cristalline à3 dimensions4. Interférences constructivesCône de diffractionEnsemble de diffraction
L’appareillage comporte un tube de rayons X refroidi par un système de circulation d’eau
(Fig. 2.12). Le rayonnement X est focalisé sur l’échantillon via un système de fentes (Fig. 2.13). Le détecteur est positionné par rapport à l’échantillon et se déplace avec l’angle d’incidence θ. L’échantillon et le détecteur sont couplés. La rotation de 2θ du détecteur s’accompagne d’une rotation de θ de l‘échantillon. Ceci permet de conserver un angle d’incidence et de diffraction identique θ, équivalent à la moitié de l’angle de diffraction (2θ). L'énergie du faisceau diffracté est enregistrée selon l’angle de diffraction (Fig. 2.14). Ensuite les spectres de diffraction ou diffractogrammes soit interprétés manuellement ou via un logiciel de traitement.22 Géologie des argiles Chapitre 2 Méthodes
Figure 2.12 – Ensemble de diffraction (Eslinger & Peaver, 1988).
Figure 2.13 – Géométrie d’un ensemble de diffraction des rayons X (Holtzapfel, 1985).
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Figure 2.14– Principe de la diffraction et illustration de la Loi de Bragg (Eslinger & Peaver, 1988).
Préparation des échantillons
Il existe plusieurs méthodes de préparation des échantillons (Fig.2.15). Les différentes méthodes visent à orienter au maximum les minéraux argileux de façon à renforcer leur réflection principale liée aux plans (001) ou (00l). Dans l‘Unité de Recherche, “ Argile et Paléoclimats ”, nous utilisons la méthode de la sédimentation sur lame de verre après séparation granulométrique selon la Loi de Stokes et décarbonatation préalable.
Figure 2.15 – Préparation des échantillons de pour la diffractiuon des rayons X : (1) confection d’un agrégat orienté par sédimentation sur une lame de verre (Velde, 1992).
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Figure 2.15 (suite) – Préparation des échantillons de pour la diffractiuon des rayons X : (2) méthode de la plaque de porcelaine ; (3)confection d’un agrégat orienté par filtration (Velde, 1992).
Traitement des spectres et identifications des minéraux argileux simples
Après diffraction, on obtient un spectre d’énergie du faisceau diffracté en fonction de l’angle de diffraction 2 θ. Dans ce spectre, on peut convertir les valeurs angulaires en espace basal d (en angströms) en appliquant la Loi de Bragg et en utilisant la longueur d’onde K
α de l’anode utilisée pour produire le rayonnement X incident (Fig. 2.16).Figure 2.16 – Spectre de diffraction des rayons X d’un agrégat orienté : la carte d’identité des minéraux argileux (Morre & Reynolds, 1989).
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Ainsi chaque famille argileuse se caractérise par une valeur de d pour les plans (001).
Soit
Illite d = 10A
chlorite d = 14A
kaolinite d = 7A
Smectite d = 15A
Cependant il faut considérer les différents ordre de diffraction
Soit
Illite d/2 = 5A
chlorite d/2 = 7A, d/3 = 3.57
kaolinite d/2 = 3.54A
Smectite d/2 = 7A, d/3 = 5
Dans un mélange argileux naturel, le spectre de diffraction enregistrera différents pics correspondants aux réflections principales des différentes familles présentes mais aussi les réflections secondaires ou d’ordre 3. On constate que les mêmes valeurs de d peuvent correspondre à des réflections d’ordre différents pour des minéraux différents. par exemple, la réflection (001) de la kaolinite à 7A coïncide avec la réflexion (002) de la chlorite.
Figure 2.17 – Spectre de diffraction des rayons : ordre de diffraction
Dans le cas d’un mélange, le spectre sera la résultante de la somme des spectres individuels avec les superpositions éventuelles (Fig. 2.18).
26 Géologie des argiles Chapitre 2 Méthodes
Spectres individuelsRésultante du mélange argileux
Fig. 2.18 – Spectre de diffraction : minéraux individuels et mélanges argileux (Tucker, 1991).
Le tableau
(Tab.2.3a, b) résume la position des réflections principales et l’intensité des réflections d’ordre supérieurs pour les différentes familles argileuses. En ne considérant que le spectre normal, certains minéraux ne sont pas dissociables. En routine, on va donc enregistrer pour un même échantillon trois spectres obtenus dans des conditions expérimentales différentes, i.e., un spectre à l’état naturel (spectre N), le second après solvatation (spectre EG) et le troisième après chauffage (spectre H). Des traitements complémentaires (attaque acide, hydrazine, saturations cationiques,...) peuvent être envisagés ponctuellement pour compléter l’identification des espèces argileuses.27 Géologie des argiles Chapitre 2 Méthodes
Table 2.3a – Tableau de diagnose (Velde, 1992).
Table 2.3b – Tableau de diagnose (Eslinger & Peaver, 1988).
28 Géologie des argiles Chapitre 2 Méthodes
Voici des exemples de spectres caractéristiques des principaux minéraux argileux pris individuellement: kaolinite, halloysite, serpentine, talc, illite, glauconite, palygorskite, sépiolite, vermiculite, smectite, chlorite (Eslinger & Peaver, 1988). Les
tableaux 2.4 à 2.6 donnent les effets des traitements N, EG, H sur les principales espèces argileuses et la position des réflections (00l).29 Géologie des argiles Chapitre 2 Méthodes 30 Géologie des argiles Chapitre 2 Méthodes 31 Géologie des argiles Chapitre 2 Méthodes 32 Géologie des argiles Chapitre 2 Méthodes 33 Géologie des argiles Chapitre 2 Méthodes 34 Géologie des argiles Chapitre 2 Méthodes
Table 2.4 – Effet des traitements sur la position des réflections (Thorez, 1986).
35 Géologie des argiles Chapitre 2 Méthodes 36 Géologie des argiles Chapitre 2 Méthodes
Table 2.5 – Effets des traitements sur la position des réflections (Tucker, 1991).
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Table 2.6 – Effets des traitements sur la position des réflections (Eslinger & Peaver, 1988).
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